Mes grands-parents paternels : Jean LARRETGÈRE et Maria DUTEN (SOSA 4 et 5)

Rédigé par Laurent LARRETGÈRE.

Mise à jour en février 2020.

Jean LARRETGÈRE

Jean LARRETGÈRE est mon grand-père. Il naît le jeudi 5 octobre 1899 et décède le dimanche 22 décembre 1963. Dans les deux cas, c'était à Saint-Geours-de-Maremne, village situé au Sud du département des Landes. Je ne l'ai pas connu, étant né cinq ans après son décès.

Entre sa naissance et son décès, il a essentiellement vécu à Talence et travaillé à Talence avec son épouse, ma grand-mère Maria DUTEN.

Maria DUTEN

Maria DUTEN, ma grand-mère est née à Saint-Geours-de-Maremne le lundi 29 février 1904 et s'est éteinte à Bordeaux le 20 octobre 1986. Tout le monde l'appelait Jeanne et ce n'est qu'en plongeant dans l'état civil que j'ai appris que son prénom était en fait Maria. Beaucoup de personnes dans les Landes (dans ma famille en tout cas) sont appelées par un prénom différent de celui de l’État civil. Elle avait presque 70 ans quand mes souvenirs d'elle deviennent plus précis. J'étais enfant dans les années 1970 quand nous allions la voir à Saint-Geours-de-Maremne. J'avais l'impression de l'avoir toujours connu, au même titre que mes parents et que sa soeur, Tatie Fernande.


1. L'enfance de mes grands-parents paternels

J'avoue ne pas savoir grand-chose de l'enfance de mes grands-parents. Mon grand-père est mort avant ma naissance et si j'ai connu ma grand-mère, on ne posait pas trop de questions. Et j'étais enfant, donc mes préoccupations était ailleurs. Donc, il faut faire appel aux archives et aux souvenirs de mon père pour obtenir quelques informations.

1.1. L'enfance de mon grand-père, Jean LARRETGÈRE

Mon grand père, Jean LARRETGÈRE, était le quatrième enfant de Catherine LARRETGÈRE. Tous sont "sans père nommé". Il est né en 1899. Son frère aîné, Martial, était déjà adulte, âgé de 22 ans et quasiment marié (mon grand-père est né le 5 octobre et Martial se marie le 28 du même mois en 1899, à Paris). 

Par contre, son frère Jean-Baptiste (13 ans en 1899) et sa sœur Marie (9 ans en 1899) vivent avec leur mère Catherine (41 ans au moment de la naissance de mon grand-père Jean), que tout le monde appelle Rosalie, et leur grand-mère, Catherine DASSÉ (que l'on appelle Mélie) ; elle a 66 ans.

Jean grandit donc entouré d'une partie de sa famille dans l'auberge que tient sa grand-mère (Catherine DASSÉ), auberge qui, au décès de cette dernière, est dorénavant tenue par sa mère (Catherine LARRETGÈRE). Est-ce un commerce prospère ? Difficile de la savoir avec les faibles sources d'informations auxquelles je peux accéder. 

1.2. L'enfance de ma grand-mère, Maria DUTEN

Ma grand-mère est issue d'une famille qu'on peut sans doute qualifier de pauvre. Antoine DUTEN (que l'on appelle Jean ou "Jeanti"), son père, est handicapé du pied droit et se déplace avec une béquille. Il ne peut donc pas exercer le métier de cultivateur comme son père avant lui et comme son plus jeune frère. Lui et sa femme, Jeanne HAURET, que l'on appelle Marie, exercent l'activité de sandaliers. Ma grand-mère, Maria (que l'on appelle Jeanne) vit avec ses parents, avec sa sœur aînée, Jeanne (que l'on appelle Fernande) et son demi-frère, que sa mère a eu avant mariage ; il se prénomme Georges à l'état civil mais on l'appelle Maurice. Il a 16 ans en 1906 et il est également sandalier. Ils habitent au Petit Bicq, une maison assez grande qui comprend trois familles dans des logements séparés, à la périphérie du centre de la commune que l'on appelle le Bourg.

J'ai connu cette maison car, lorsque j'étais enfant, la sœur de ma grand-mère, Tatie Fernande, qui y était née (comme ma grand-mère), y vivait encore dans les années 1970 et jusque vers les années 1980. Il y avait une pièce principale, la cuisine, avec une grande table au milieu et une cheminée au fond de la pièce. Une fenêtre éclairée la pièce sur le mur de droite. Il y avait encore une évier en pierre si mes souvenirs sont corrects. Une porte au fond à gauche donnait sur deux chambres en enfilade dont j'ai peu de souvenirs car je n'y suis allé qu'une ou deux fois. Il y avait aussi un grenier mais ma tante n'a jamais voulu que mon frère et moi allions y jeter un œil, nous disant que l'escalier était dangereux. Avec le recul, 40 ans plus tard, je regrette de ne pas avoir insisté... Elle n'a jamais quitté cette maison (sauf les dernières années de sa vie qu'elle a passé dans une maison de retraite à Dax) puisque son mari, François LEIÇARRAGUE,  s'y est installé avec elle. Mais il est mort peu de temps après le mariage, avant même la naissance de leur premier enfant).

La maison du Petit Bicq où est née ma grand-mère Maria "Jeanne" DUTEN et sa sœur, Jeanne "Fernande". Chacune des trois portes correspondait à un logement. Mes arrières-grands-parents vivaient dans la partie droite. C'est, hélas, la seule photo que j'ai de cette maison qui a été démolie depuis.

Extrait du recensement de Saint-Geours-de-Maremne de 1906.

Sources : Archives départementales des Landes.

Cote : E DEPOT 261/1F3

1.3. Saint-Geours-de-Maremne en 1906

Lors du recensement de 1906, mon grand-père a 7 ans et ma grand-mère en a 3. Saint-Geours-de-Maremne est une commune rurale qui compte exactement 1458 habitants, formant 332 ménages, répartis dans 268 maisons.

 

L'observation des métiers des chefs ou cheffes de famille confirme largement son caractère agricole : sur 332 ménages, on compte 154 cultivateurs ou cultivatrices à leur tête. Peu d'élevage en mono-activité : il n'y a que huit bergers. On ne compte que dix-huit ouvriers agricoles. Les terres sont exploitées essentiellement par les familles  Toujours dans les activités agricoles, on note deux pêcheurs.  

 

Si le bois n'est pas absent dans les activités, il occupe peu de monde : sept résiniers et un carbonnier (c'est un charbonnier qui produit du charbon de bois à partir de pins). Et bien sûr un négociant en bois. On retrouve aussi l'activité lié au bois ci-dessous, dans les activités secondaires.

 

L'activité "industrielle" est quasiment absente (et il s'agit essentiellement d'artisanat) : quatre meuniers, un tuilier, sans doute une scierie puisqu'on note la présence d'un chauffeur de scierie, de deux scieurs de bois, d'un scieur de long et un tourneur en bois. Il y a également un forgeron, trois charrons, un tonnelier, un bouchonnier, un maréchal-ferrant et deux "chargeurs", à priori des manutentionnaires qui chargent ou déchargent des produits. Je découvre aussi le métier de chaufournier : il y en a deux. Il s'agit d'un exploitant d'un four à chaux ou de l'ouvrier qui conduit le four.

 

Une activité très importante est la fabrication de sandales (qui occupait, on l'a vu, la famille DUTEN-HAURET, c'est-à-dire la famille de ma grand-mère) : on compte vingt sandaliers à Saint-Geours-de-Maremne dont la majorité travaillait pour  le sieur DAUBRIACQ, épicier-sandalier.

 

Les transports occupent aussi quelques habitants : le train passe par Saint-Geours-de-Maremne qui a donc un chef de station et deux gardes-barrières. Il y a également un charretier et un muletier. Pour les routes, huit cantonniers et un cantonnier pour le chemin de fer. Le nom de cette activité est liée au découpage en canton de l'entretien des routes : on doit cette idée, qui remonte à 1764, à l'ingénieur des Ponts et Chaussées Pierre Marie Jérôme TRÉSAGUET. Le travail était dur et mal payé. Il consistait à déblayer et empierrer les routes (soit les routes sont constituées de pavés et il faut les installer et les entretenir, soit, pour les autres routes, il faut casser des cailloux pour les recouvrir. Bref, un travail de forçat.

 

Pour les métiers du bâtiment, on compte neuf charpentiers, trois menuisiers et deux maçons.

 

Les activités de service sont celles que l'on devaient retrouver dans toutes les communes : deux cordonniers, cinq couturières, une repasseuse, un boucher, deux boulangers dont un qui fait épicier, un épicier-sandalier déjà évoqué, une aubergiste-épicière, un épicier tout court, un marchand de légumes, un marchand-forain, la poste avec son receveur, sa postière et son facteur, un marchand (de quoi ? Ce n'est pas indiqué), un négociant en vin, deux instituteurs et deux institutrices, une buraliste, un prêtre qui vit avec sa sœur et son neveu. On n'oublie pas le garde-champêtre, policier municipal de l'époque.

 

Deux habitants seulement se déclarent retraités (un facteur et un retraité d'octroi, c'est-à-dire de la douane) et  il y a également deux rentiers et deux rentières.

 

On a déjà signalé une auberge-épicerie ; il y a également deux auberges simples, dont celle de mon arrière-grand-mère et trois hôtels. 

 

Enfin, on trouve dans le recensement une chiffonnière et un mendiant de 70 ans.

 

Les domestiques (ou autres métiers où les employés vivent avec leurs patron) ne sont pas mentionnés dans la catégorie "profession" mais dans la catégorie "situation par rapport au chef de ménage" ; le plus souvent, c'est "femme", "fils", "fille", "gendre", petite-fille, etc. Ou domestique donc. Après tout, on est dans un recensement où on dénombre les habitants par foyers. 

Si je n'ai pas fait d'erreurs dans mes relevés, on compte 33 domestiques (dont un qui est berger), une cuisinière, un cocher et une femme de chambre. Vingt-quatre domestiques sont au service de cultivateurs : ils ont entre 7 et 77 ans (le hasard, tout de même !) ; il y a huit filles et seize garçons. À quelques exceptions près (quatre hommes de 45 ,59, 60 et 77 ans), tous sont de jeunes voire de très jeunes personnes de moins de 30 ans. On en compte trois de moins de 10 ans (7, 8 et 9 ans), dix entre 10 et 20 ans et donc sept entre 20 et 30 ans.   

Les deux boulangers, le boucher, le négociant en vin et le meunier ont chacun au moins un ou une domestique. Trois des rentiers ont aussi du personnel de maison. Si une rentière se contente d'une domestique, Anatole de SAINT-MARTIN (le noble local), 76 ans, qui vit avec sa sœur qui en a 78, ont deux domestiques : un homme de 65 ans (et ses deux filles qui ont 34 et 36 ans mais qui ne sont pas considérées comme du personnel) et une femme de 67 ans. Un dernier rentier n'a pas de domestiques mais vivent avec lui un cocher, une cuisinière et une femme de chambre (bref, des domestiques plus spécialisés). 

Petite originalité, le seul mendiant déclaré, âge de 70 ans, a une jeune domestique de 18 ans ! On s'interroge sur ses gages...

1.4. La formation de mes grands-parents

Voici la description de mon grand-père rédigée dans sa fiche matricule. Le degré d'instruction (3) indique qu'il a une instruction qui dépasse le simple fait de savoir lire et écrire, mais sans qu'il possède le brevet de l'enseignement primaire (degré 4).

Source : Archives départementales des Landes.

Le document ci-dessus indique à quoi correspond chaque degré indiqué sur la fiche matricule. Cependant, les degrés 3 et 4 prêtent à discussion. Est-ce que pour avoir le degré 3, il faut être détenteur du certificat d'études primaires ? Le degré 4 correspond à l'obtention du brevet de l'enseignement primaire. Or, ce diplôme n'existe pas réellement. Au dessus du certificat d'études primaires, il existait un brevet de l'enseignement primaire supérieur qui nécessitait trois ans d'études après le primaire. 

Cet enseignement primaire supérieur, dispensé par des enseignants du primaire, disparaît en 1941. Mais jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, il permettait aux enfants des classes populaires de suivre gratuitement des études, ce qui n'était pas le cas du secondaire, collèges et lycées, payants, et donc essentiellement fréquentés par des élèves issus des classes sociales plus favorisées. Le lycée devient gratuit en 1933 avant de redevenir payant lors du régime dit de Vichy ou plus exactement du régime de l’État français, régime autoritaire dirigé par Pétain de 1940 à 1944. La gratuité est rétablie à la Libération.

Pour plus de détail, je vous renvoie, pour ceux que ça intéresse, à l'article très intéressant d'Antoine PROST sur l'histoire des collèges : "Une histoire des collèges". Les Clionautes, consulté le 22 février 2020.

Mes deux grands-parents paternels, Maria DUTEN et Jean LARRETGÈRE sont tous les deux possesseurs de leur certificat d'études primaires, délivré vers l'âge de 11 ans. Ce diplôme a été créé le 20 août 1866 avant d'être supprimé en 1989. Quand j'étais collégien, de 1979 à 1983, il se passait à la fin de la quatrième et il était facultatif. Le brevet des collèges était devenu le premier diplôme à obtenir.

« On peut estimer à seulement 25 % la proportion d’une classe d’âge qui obtient le certificat de fin d’études dans les années 1880, au tiers dans les premières années de l’entre-deux-guerres et à presque la moitié juste avant la Seconde Guerre mondiale. La proportion de lauréats du certificat de fin d’études primaires ne dépassera jamais 55 % d’une classe d’âge : c’est la proportion actuelle de lauréats d’un baccalauréat général ou technologique » d'après l’historien de l’éducation Claude Lelièvre.

Source : Il y a cent cinquante ans naissait le certificat d’études primaires, Le Monde, 21 août 2016.


Mon père a conservé les certificats d'étude de ses parents que je reproduis ici.

En 1911, lors du dernier recensement avant celui de 1921 (celui de 1916 ayant été annulé pour cause de guerre), mon grand-père a 12 ans. Je suppose qu'il doit être encore scolarisé. Je ne sais donc pas ce qu'il fait entre la fin de ses études (sans doute après le certificat scolaire) et son service militaire qui commence en avril 1918. Sur sa fiche matricule, on le note charretier mais ce métier est rayé et remplacé en rouge par : "employé au contrôle des compteurs électriques... Bref, ça ne nous apprend pas grand-chose. 

Dans le recensement de 1921, le premier après la Grande Guerre, ni ma grand-mère Maria "Jeanne" ni sa sœur aînée Jeanne "Fernande" ne semble exercer une activité professionnelle. Son père, Antoine DUTEN est toujours sandalier et sa mère, Jeanne HAURET, couturière. Le fils de cette dernière, demi-frère de ma grand-mère, Georges "Maurice" HAURET, ne vit plus au même domicile.

2. Le mariage de mes grands-parents paternels

2.1. Jean LARRETGÈRE, ex-conscrit et wattman à Bordeaux

Revenons à mon grand-père...

Il a effectué son service militaire d'avril 1918 à mars 1921. A 20 ans, il mesure 1,69 m ; il a les cheveux châtains et les yeux bleus. Il est affecté dans le Génie, d'abord dans le 6ème régiment au début de son service et c'est dans ce régiment qu'il participe à la fin de la Première Guerre mondiale. Ensuite, il passe au 9ème régiment du Génie pour quelques jours en août 1919 et enfin au 2ème toujours en août 1919. Il part pour le Maroc d'octobre 1919 à décembre 1920, en étant intégré au 31ème bataillon de Génie qui est créé à ce moment (en avril 1920). Il est 1er sapeur conducteur. Le rôle du 31ème BG est de construire au Maroc une infrastructure routière et ferroviaire, entre autres.

 

Il a obtenu deux décorations, la médaille commémorative de la Grande Guerre et la médaille coloniale agrafe "Maroc".

2.2. Et responsable d'un homicide involontaire !

De retour à la vie civile, Jean LARRETGÈRE va travailler pour les TEOB, la Compagnie française des Tramways électriques et omnibus de Bordeaux. Il est wattman (conducteur de tramway) depuis le 6 octobre 1921 et il y reste jusqu'au 20 janvier 1943. En faisant des recherches sur mon grand-père, j'ai récupéré sa fiche matricule. J'ai été surpris d'y lire la mention suivante :

Source : Archives départementales de Gironde.

Cote : 1261 W 5

Je n'avais jamais entendu parler de cela. Visiblement, c'était une nouveauté également pour mon père et pour tous ceux à qui il a posé la question (mais comme il fait partie des plus âgés des membres de sa famille, il y avait peu de chances que quiconque ait des informations si lui ne savait rien). Que s'est-il passé ? Pour quel acte mon grand-père fut-il condamné pour homicide involontaire ?

J'écris aux Archives départementales de Gironde à ce sujet et ils me répondent assez rapidement : ils ont bien le jugement concerné. Lors d'un de mes séjours à Bordeaux, je file m'inscrire aux Archives départementales de Gironde et, avec mon père, nous feuilletons le gros registre dont nous avons obtenu la cote. 

 

Le 1er avril 1922 a eu lieu l’audience publique où mon grand-père est jugé pour homicide involontaire. Il n’a pas été détenu ; il est présent ainsi que le représentant du directeur des TEOB, civilement responsable, le chef de contentieux. Ils sont représentés par un avocat, maître Lainé. Huit témoins ont également été convoqués.

La victime est dénommé DANÉ (pas de prénom). Le compte-rendu du tribunal relate l’accident ainsi :


« Attendu que le 17 décembre dernier, sur la route de Pessac, l’attelage de Dané composé d’une paire de mules attelées de front à une charrette fut violemment heurté par un tramway de banlieue allant dans la même direction.
Attendu qu’à la suite de cet accident Dané fut tué et le joug ayant été brisé une des mules fut traînée par le chasse pierre sur un parcours de 75 mètres environ.
Attendu qu’il convient de rechercher à qui incombe la responsabilité de ce déplorable accident ».

Le reste du compte-rendu donne des précisions. À 6h du soir (on ne disait pas encore 18h), au moment de l’accident, il faisait déjà nuit, le mauvais temps accentuant l’obscurité et les réverbères n’étaient pas encore allumés. Certes, les phares du tramway étaient allumés, eux, mais ils sont peu puissants et éclairent juste à quelques mètres de distance. La route est réputée dangereuse car deux véhicules ne peuvent se croiser sans que l’un n’emprunte la voie du tramway. L’imprudence de la victime est soulignée :

 

« … malgré les constatations qui précèdent on doit retenir contre la victime une imprudence personnelle qui avant d’emprunter la voie du tramway aurait du s’assurer que l’une des voitures en service ne pouvait pas l’atteindre avant qu’il ait dégagé ; qu’un simple coup d’œil en arrière lui eut permis d’apercevoir le phare du tram ou d’apercevoir avec un peu d’attention le bruit du tram et de la remorque ».
   
Cependant, la responsabilité de mon grand-père n’est pas totalement écartée. En effet, il roulait visiblement trop vite compte-tenu du manque de visibilité, ce qu’indique un témoin et ce que prouve la violence du choc, une mule étant traînée sur 75 mètres par le chasse-pierre avant l’arrêt du tram. De plus, le choc a eu lieu à un arrêt du tram et mon grand-père wattman n’avait pas ralenti pour s’y arrêter bien que son tram ne fut pas plein. Certes, la collision n’aurait pu être évitée mais en tout cas atténuée avec une vitesse moindre. Au final, la condamnation est de 100 francs d’amendes, plus 178,95 francs de frais. Si c’est mon grand-père qui est coupable par imprudence, c’est son employeur, les TEOB, qui doit payer l’amende et les frais en tant que « responsable de son préposé ».

 

Il semble que mon grand-père ait choisi de ne pas parler de cet incident à sa promise ni plus tard à ses enfants.

Mise à jour de février 2020 : l'accident dans la presse.

Le quotidien local, La Petite Gironde, consacre un entrefilet sur l'accident le 19 décembre 1921, deux jours après l'événement. On y apprend quelques détails qui ne furent pas mentionnés lors du procès.

2.3. Et enfin, le mariage à Saint-Geours-de-Maremne

Jean LARRETGÈRE et Maria DUTEN se marient le 12 février 1923. Mon grand-père avait 23 ans et habitait dans la banlieue bordelaise, à Talence plus exactement. Il était wattman pour les TEOB (Tramways et Omnibus de Bordeaux). Je ne sais pas si ma grand-mère, âgée de 18 ans, avait une activité professionnelle. Comme beaucoup de personnes, dans cette partie des Landes, elle devait faire des sandales. C'était l'activité de son père, Antoine "Gentil" DUTEN. Tous les deux sont issus de familles depuis longtemps implantées à Saint-Geours-de-Maremne.

 

La famille LARRETGÈRE, outre mon grand-père, est présente sur la photographie de mariage en la personne de son frère Jean-Baptiste LARRETGÈRE, au dernier rang (le deuxième en partant de la gauche), reconnaissable à sa grande taille (pour l'époque... Il faisait 1,74 m), sa moustache bien fournie et son béret quasi inamovible. Sa mère Catherine "Rosalie" LARRETGÈRE, vivante au moment du mariage, n'est pas sur la photo, pas plus que sa sœur Marie LARRETGÈRE, épouse LAPÉBIE. Ne sachant pas à quoi ressemble son frère aîné, Martial LARRETGÈRE, je ne sais pas s'il était présent. Vivant à Paris depuis de nombreuses années, ce serait surprenant qu'il soit "descendu" à Saint-Geours-de-Maremne. Cependant, s'il est là, ce doit être le moustachu à droite du marié (à sa gauche sur la photo) avec à sa gauche une jeune fille (peut-être Jeanne-Marie LARRETGÈRE, sa fille, et sur ses genoux, un jeune garçon (peut-être Guy, son fils).

 

A gauche de la mariée (à droite sur la photo), son père, Antoine DUTEN et sa mère, Jeanne HAURET (qui a une jeune fille sur ses genoux dont j'ignore l'identité). Son demi-frère, Georges "Maurice" HAURET n'est visiblement pas là. Je pense que la jeune femme située juste derrière Antoine DUTEN est sa fille (et donc la sœur de ma grand-mère), Jeanne "Fernande".

 

Beaucoup de personnes sur la photo restent des inconnus et j'en suis parfois réduit à un jeu de devinette. Mais ce sera pour une autre fois.

 

Jean LARRETGÈRE (mon grand-père) épouse Maria DUTEN (ma grand-mère) en 1923. Comme je l'écrivais plus haut,  il a 23 ans et elle en a 18. Si le mariage a lieu dans le village de Saint-Geours-de-Maremne où ils ont grandi tous les deux, Jean habite désormais Talence, et juste avant, Pessac, au Sud de Bordeaux, dans ce qui était à l'époque le chemin de Noës, devenu depuis l'avenue de Noës. 

3. La vie de mes grands-parents après leur mariage

Je ne sais pas grand-chose de mon grand-père. Mes sources proviennent essentiellement des récits de mon père et de ma mère (qui elle même ne l'a rencontré qu'une fois ou deux fois il me semble et qui recycle essentiellement des propos de ma grand-mère ou d'autres personnes de la famille). Il en ressort une image générale contrastée : un homme sympathique, bon vivant, porté sur la bonne chère, l'alcool et les femmes. Donc, très peu fidèle et avec une certaine propension à dépenser son salaire (et celui de sa femme) au café. Comme toutes les images, elle est sans doute caricaturale. Mais il est notable que sa silhouette s'arrondit considérablement entre la fin de son adolescence, son mariage et son départ à la retraite.

Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Ces deux premières photos ne sont pas datées : dans la première, Jean LARRETGÈRE est parmi les membres de l'équipe de rugby de Saint-Geours-de-Maremne.

Dans la deuxième, il est un peu plus âgé : il s'agit du conseil de révision, où les futurs conscrits sont examinés et évalués, ce qui donne lieu le plus souvent à une petite cérémonie lors de la venue des autorités dans le village. Mon grand-père à moins de 20 ans. Comme sur la photo de son mariage, on voit qu'il n'est pas mince sans être particulièrement fort.



Mon grand-père avec des cyclistes. Pas de date pour cette photo mais je pense qu'elle date d'avant les années 30. En effet, si l'on compare avec les deux photos ci-dessous, il reste encore relativement mince.

Si je ne suis pas sûr de l'identité du motocycliste au centre, je connais les autres personnes : à droite, mon grand-père Jean LARRETGÈRE et à gauche, debout, Roger LAPÉBIE, son neveu (fils de sa sœur Marie LARRETGÈRE) et sur le vélo, Guy LAPÉBIE, jeune frère de Roger. Roger est né en 1911 et Guy en 1916. À vue de nez, on doit être à la fin des années 1920 ou au tout début des années 1930. 

La photo représente Roger LAPÉBIE en 1932, cycliste déjà connu mais qui n'a pas encore gagné le Tour de France (il lui faut attendre 1937 pour cela). Il a 21 ans. Il s'apprête à embrasser sa mère, Marie LARRETGÈRE sous le regard de son père, Victor "Lucien" LAPÉBIE. Derrière le grillage, mon grand-père, Jean LARRETGÈRE.  

On peut donc constater, années après années, Jean LARRETGÈRE  prend du poids et ça ne va pas s'arrêter.

 

A l'inverse, ma grand-mère, Maria DUTEN, que tout le monde appelle Jeanne, semble s'assécher et ses traits se durcissent. Son visage est plutôt rond et souriant quand elle approche des 20 ans. Mais 10 ans plus tard, le sourire a disparu.

 

Ci-dessous, ma grand-mère Maria DUTEN dite Jeanne en 1922 lors du mariage de sa soeur Jeanne surnommée Fernande puis en 1923 lors de son propre mariage. Elle a respectivement 18 et presque 19 ans (à deux semaines près). Sur la photo du dessous, nous sommes en avril 1935 et Maria a 31 ans ; mais elle fait plus âgée. Entre-temps, elle a quitté Saint-Geours-de-Maremne, vit à Talence, a eu un enfant, Gérard, en 1924 et comme son mari, travaille au TEOB, depuis juin 1924 comme receveuse.

Mes grands-parents habitent longtemps la commune de Talence, d'abord au 23, chemin de la Médoquine, une petite maison en pierre blanche, pas exactement une échoppe, mais d'un style assez proche ; puis au n°2, Chemin de la Petite Mission, locataire d'une maison aujourd'hui disparue. 

3.1. Les enfants

3.1.1. Gérard LARRETGÈRE né en 1924

Une page est consacré à mon oncle Gérard LARRETGÈRE.

3.1.2. Pierre LARRETGÈRE né en 1936, le dernier LARRETGÈRE saintgeoursois ?

Au XXe siècle il n’y a plus guère de LARRETGÈRE à Saint-Geours-de-Maremne.

 

Pierre LARRETGÈRE (pas mon père mais son ancêtre) est le premier LARRETGÈRE à s'installer dans la commune de Saint-Geours-de-Maremne au début du XIXe siècle, quittant Soustons, le berceau familial.

 

Sur ses sept enfants, deux ont survécu, tous les deux nommés deux Jean LARRETGÈRE (pas mon grand-père mais son ancêtre). Ils ont eu à leur tour des enfants : huit à eux deux, mais tous n'arrivent pas à l'âge adulte. Quatre ont une descendance mais une seule reste vivre à Saint-Geours-de-Maremne, mon arrière grand-mère Catherine LARRETGÈRE. L’industrialisation et le chemin de fer favorisent un exode rural qui vide en partie les communes rurales, au moins jusqu’aux années 1970.

 

Des quatre enfants de Catherine, un seul, Jean-Baptiste LARRETGÈRE , vit à Saint-Geours-de-Maremne dans l’entre-deux-guerres. Il a repris le restaurant-hôtel familial de sa mère (avec l’accord de ses frères et sœurs) au décès de cette dernière en 1926, tout en exerçant l’activité de secrétaire de mairie. Son frère aîné, Martial, est parti faire fortune, avec succès, à Paris. Marie, leur sœur, a épousé un agriculteur Victor « Lucien » LAPÉBIE, qui devient employé des chemins de fer et s’installe dans la banlieue bordelaise, à Talence, tout comme le plus jeune enfant de CatherineJean LARRETGÈRE, mon grand-père, qui exerce le métier de wattman à Bordeaux.

 

Jean-Baptiste LARRETGÈRE décède en 1941 à l'âge de 54 ans et il n'a eu qu'une fille qui se marie. Donc, fin des LARRETGÈRE à Saint-Geours ? On a vu que mon oncle Gérard y a passé quelques années mais depuis, il est retourné vivre chez ses parents à Talence.

 

C'était sans compter sans mon père qui fut, bien involontairement, le dernier LARRETGÈRE de Saint-Geours-de-Maremne (ou presque) après une présence de près de 150 ans...

Pierre LARRETGÈRE, né en 1936. Ses parents (mes grands-parents Jean LARRETGÈRE et son épouse Maria DUTEN) l’ont placé chez son oncle Jean-Baptiste LARRETGÈRE et sa femme Jeanne LEMBEYE (que mon père appelait Tantote) à l’auberge.

Pendant longtemps, on a évoqué la guerre comme prétexte à ce placement. Mais c’était peut-être en raison des problèmes de couple de mes grands-parents et d’une séparation possible. Autre hypothèse : mes deux grands-parents travaillaient et il fallait bien quelqu'un pour garder mon père (comme ils avaient fait garder leur premier enfant, Gérard, chez la soeur de ma grand-mère).

En tout cas, quel que soit la raison, mon père est envoyé enfant à Saint-Geours-de-Maremne.

La guerre s’achève, mes grands-parents restent ensemble. Et mon père reste à Saint-Geours-de-Maremne avec Jeanne LEMBEYE, appelée Tantote par mon père, puisque son oncle Jean-Baptiste LARRETGÈRE est mort en 1941.

Cependant, à 18 ans, en 1954, il décide de partir et de rejoindre ses parents à Talence.

3.2. Travail, retraite et décès