Rédaction commencée en septembre 2021.
Introduction en forme de petit rappel généalogique.
Yvonne GOURDON, ma grand-mère maternelle est la fille d'un couple vivant à Bordeaux mais dont les origines géographiques sont plus variées géographiquement : Marcel GOURDON, son père, est né en Charente-Maritime et Julie PERRIAT, sa maman, a vu le jour dans le Béarn (Pyrénées-Atlantiques). Notons qu'à l'époque, on parlait de Charente-Inférieure et de Basses-Pyrénées.
Marcel GOURDON est le fils de Martial GOURDON, un ouvrier agricole, qui meurt relativement jeune, a 33 ans. Marcel, l'aîné de ses trois enfants, n'avait que 6 ans. La mère de Marcel, Clémence MATIGNÉ, était aveugle, sans doute de naissance.
Nous allons parlé ici des parents de Martial GOURDON : Jean GOURDON et Marguerite LORANCEAU.
Jean GOURDON est né le 17 octobre 1790 à Mazerolles. Mazerolles en Charente-Maritime car on trouve plusieurs communes portant ce nom, dont une dans le département des Landes, une dans les Pyrénées-Atlantiques, une dans la Vienne et d'autres encore... Mazerolles en Charente-Maritime donc, est une commune qui compte à peine plus de 400 à la naissance de Jean GOURDON. Et aujourd'hui, en 2021, presque deux fois moins ! Le dernier décompte de 2018 recense 224 habitants. Elle est située au Sud de Pons. En dehors de son caractère rural et agricole, je ne sais rien du tout à propos de cette commune.
Je ne sais pas grand-chose non plus sur les parents de Jean GOURDON : à priori, son père, Nicolas GOURDON, est sans doute originaire de Mazerolles (mais sans garantie car je n'ai pas son acte de baptême ; cependant, son acte de décès le dit originaire de la commune) et sa mère, Marguerite CHARRIER, est peut-être née à Pons. Mais pour elle, c'est encore moins sur car je n'ai ni son acte de baptême, ni son acte de décès. Mais leur mariage a eu lieu à Pons et Marguerite CHARRIER habite Pons à cette date (1786).
Examinons l'acte de baptême de Jean GOURDON.
Acte de baptême de Jean GOURDON
Source : Archives départementales de Charente-Maritime
Je vais proposer une transcription bien que l'acte soit à peu près lisible.
"Jean Gourdon fils légitime de Nicolas Gourdon et de [abréviation pour femme ou épouse]
Marguerite [Charrier] présenté par Jean Coutand et Marie
[Nom de famille de la marraine] a été baptisé le sept octobre mille sept-cent quatre-vingt
dix, tesmoins Jean Quesson Frédéric d'Avignon qui ont signé
de ce requis par moy Normand curé de Mazerolles"
Tout n'est pas très clair, surtout le nom de la marraine prénommée Marie. On a également du mal à reconnaître, dans le nom de la mère, le patronyme de CHARRIER. Mais on a l'essentiel des informations. Il manque cependant la certitude que l'enfant est né le jour du baptême.
Les informations sont assez peu nombreuses au final. Pas de mention de l'âge des parents ni de leur activité professionnelle.
Jean GOURDON n'est pas le premier né. Il a au moins une sœur plus âgée, Marie, baptisée en 1787, un an après le mariage de Nicolas GOURDON et de Marguerite CHARRIER. Plus tard, en 1797, le couple a une autre fille prénommée également Marie, mais qui décède à la naissance. Il est possible que je n'ai pas trouvé tous les frères et sœurs de Jean. Examinons quand même l'acte de décès de la petite Marie qui offre quelques informations sur les parents de Jean GOURDON.
Acte de décès de Marie GOURDON
Source : Archives départementales de Charente-Maritime
L'orthographe du rédacteur de l'acte, Jean ARCHANBAUD, est très fantaisiste. Mais dans un si petit village, il est difficile sans doute de trouver de fins lettrés et qu'ils se fassent élire au poste de conseiller municipal. Bref, "l'agans munisipale" fait sans doute de son mieux. C'est donc "Nicollas GORDONS", âgé 53 ans, cultivateur, accompagnés de deux vignerons, qui vient déclarer le décès de sa fille Marie "GOURDONS" à son domicile "ositos sa naisance" à 8h du "matain". Ni le père ni les témoins ne savent signer. Lacune de l'acte : la mère n'est pas mentionnée.
Mais on a la fonction du père, c'est déjà bien, et également une localisation plus précise de son domicile, dans le lieu-dit La Vallière.
Jean a 19 ans quand son père Nicolas GOURDON décède en 1809 : l'acte de décès lui attribue l'âge de 67 ans, ce qui nous donne une naissance autour de l'année 1742. Il aurait donc eu 44 ans au moment de son mariage. Ce genre d'information est à prendre avec de fortes réserves. Il est rare, chez des personnes illettrés, surtout à cette époque, de connaître réellement l'âge d'un individu. Notons également que l'écriture du maire ne rend pas l'acte toujours compréhensible et son orthographe laisse également à désirer. Enfin le maire parle de Mazerolles et Machenne pour désigner sa commune. Et j'ai trouvé des cartes où figure Machenne et pas Mazerolles. Sans doute faut-il y voir l'importance de l'église Saint-Pierre-de-Machenne, datant du XIIe siècle. D'ailleurs, le cadastre napoléon parle de Mazerolles et Machene (avec un seul "n").
Marguerite LORANCEAU est plus jeune que son futur époux. C'est le 9 avril 1798 qu'elle voit le jour dans la commune de Tanzac, limitrophe de Mazerolles.
Acte de naissance de Marguerite LORENCEAU
Source : Archives départementales de Charente-Maritime
Beaucoup de LORANCEAU (avec un A) dans l'acte de naissance : le papa (Pierre), l'agent municipal (Jean) et les deux témoins : Jean et Pierre. Et bien sûr, la petite Marguerite ! L'orthographe diffère de façon parfois incompréhensible : l'agent municipal remplit l'acte en écrivant son nom LORANCAU mais signe LORANSAUX. Il déclare que le père, Pierre, ne sait pas signer mais on trouve deux signatures "Pierre LORANCEAU" alors qu'il ne devrait n'y en avoir qu'une... Enfin, on ne connaît pas les liens familiaux existant (s'il y en a) entre le père et ses deux témoins. Cependant, on a l'essentiel : le lieu, la date, le nom des parents et le métier du père (cultivateur) et son âge (mais nous n'avons pas l'âge de la mère, Marguerite BRAND). Petite particularité, Marguerite ne naît pas seule, mais accompagnée d'une sœur jumelle : Marie.
D'un point de vue onomastique, le nom de LORANCEAU ou LORANCEAU vient du prénom Laurent, du latin Laurentius, dérivé de Laurus (le laurier), symbole de victoire. BRAND est plutôt un patronyme que l'on retrouve dans le nord-est, en Allemagne, en Belgique (souvent sous la forme BRANDT), du germanique brant qui signifie épée ou tison, qui a donné BRANDO en Italie. On en trouve un peu partout en France avec des déclinaisons différentes mais qui désignait sans doute au départ quelqu'un d'origine germanique (ou qui voulait le faire croire).
Marguerite et Marie ont une sœur plus âgée d'environ trois ans, née en 1795 et prénommée Marie. Les trois sœurs survivent à l'enfance et se marient toutes les trois avec des garçons de la commune de Mazerolles, commune limitrophe de Tanzac.
Je ne sais rien de plus sur Marguerite jusqu'à son mariage.
1817, le 3 août. Nous sommes à Tanzac. La situation n'est pas trop favorable au monde agricole après un été 1816 particulièrement mauvais qui entraîne une hausse des prix en 1817. Ce mauvais temps se retrouve à l'échelle mondiale, conséquence de l'éruption du volcan indonésien Tembora qui débute le 5 avril 1815 provoquant la mort de plus de 70 000 personnes et qui, par la projection de cendres, de dioxyde de carbone et de dioxyde de souffre qui se transforme en sulfates, forme un écran qui opacifie la haute atmosphère. et refroidit le climat mondial.
En France, on appelle l'année 1816 ; "l'année sans été".
Donc, revenons en 1817, le jour du mariage de Jean GOURDON, 26 ans et de Marguerite LORANCEAU, 19 ans. Chacun habite sa commune de naissance, Tanzac pour elle, Mazerolles pour lui. Jetons un œil sur l'acte de mariage.
Acte de mariage de Jean GOURDON et de Marguerite LORENCEAU
Source : Archives départementales de Charente-Maritime
Sont présents, côté parents, la mère de Jean GOURDON (son père est décédé depuis 8 ans) et le père de Marguerite LORANCEAU (sa mère est décédée depuis 5 ans). Pour les signatures, nous avons la preuve que le père de Marguerite, Pierre LORANCEAU sait signer (en contradiction avec la déclaration du maire lors de l'acte de naissance). Les époux, par contre, ne savent pas.
Trois des témoins, cultivateurs comme Jean GOURDON, sont parents d'un des deux mariés. Le quatrième, sans lien familial, est tisserand.
Après le mariage, le couple a, au moins, neuf enfants :
- 1818 : Jean
- 1821 : Pierre
- 1823 : Marguerite
- 1825 : Henry
- 1829 : Rozes (sic)
- 1833 : Philippe et Célestine (jumeaux)
- 1836 : Martial (mon ancêtre)
- 1843 : Eugène
En dehors de l'aîné, Jean, qui naît à Mazerolles, et le dernier, Eugène, qui naît à Pons, tous voient le jour à Tanzac.
Les naissances donnent un très rapide et très incomplet aperçu de la vie de Jean GOURDON et de Marguerite LORANCEAU. Une vie de cultivateurs,
avec une famille nombreuse, et, de façon assez surprenante, sans mortalité infantile (expression qui désigne le décès au cours de la première année de la vie de l'enfant). En effet, sur les
neuf enfants de la famille, huit atteignent l'âge adulte. Marguerite, née en 1823, est la seule à décéder pendant l'enfance, à l'âge de 4 ans. Pourtant, au cours de la période
1818 à 1843, la mortalité infantile oscille entre 20% pour le début du siècle et 14 % en 1845 (source : VALLIN, Jacques, et MESLÉ France. « Reconstitution de tables annuelles de mortalité pour la France au XIXe siècle », Population,
vol. 44, no. 6, 1989, pp. 1121-1158). Certes, c'est une moyenne française et elle cache de fortes disparités régionales. Vers le milieu du siècle, la mortalité infantile repart à la hausse
pour atteindre un pic en 1871 avec 22,6 %. Si l'amélioration de l'hygiène, des soins à l'enfant et une meilleure formation du personnel médical expliquent la baisse de la mortalité
infantile jusqu'en 1850, l'industrialisation dégrade de nouveau la situation, en particulier dans le monde ouvrier (pauvreté, recours à l'allaitement artificiel ou à la mise en nourrice dans des
conditions sanitaires très mauvaises).
Mais revenons aux enfants de Jean GOURDON et de Marguerite LORANCEAU dont les naissances et les mariages permettent de voir qu'après leur mariage, le couple vit brièvement à Mazerolles avant de s'installer durablement à Tanzac. Durablement mais avec un petit crochet de quelques années dans la commune de Floirac (toujours en Charente-Maritime), commune où meurt Marguerite en 1827. Sans ce décès, il n'aurait pas été possible de savoir que le couple a habité hors de Tanzac.
Jean GOURDON est toujours décrit comme cultivateur (vraisemblablement comme métayer ou ouvrier agricole) et avec son épouse, ils habitent (à Tanzac) dans le lieu dit
"Village du Maine Augemon" ou "Maine au Gémon" (entre autres orthographes selon les actes).
Extrait du cadastre de 1827 de la commune de Tanzac
Cote : 3P5310/01
Source : Archives départementales des Charente-Martitime
Toujours à Tanzac en 1836 (naissance de mon ancêtre Martial), le couple vit à Pons lors de la naissance de leur dernier enfant Eugène en 1843. Quand ont-ils déménagés et pourquoi ? Mystère.
Essayons d'affiner la chronologie avec les mariages et autres actes concernant leurs enfants. Reprenons d'abord ce que vous savons et complétons :
- 1817 : mariage à Tanzac ;
- de 1817 à 1818 (au moins) : ils vivent à Mazerolles ;
- de 1821à 1825 : ils se sont installés à Tanzac ;
- entre 1825 et 1829 : il ont vécu à Floirac (Charente-Maitime), commune située sur la rive de l'estuaire de la Gironde ;
- de 1829 à 1836, ils sont de retour à Tanzac ;
- 1840 : décès de leur fils aîné Jean ; ils habitent toujours Tanzac ;
- en 1843, Jean et Marguerite sont à sont à Pons ;
- 1848 ; mariage d'Henry GOURDON : Jean et Marguerite sont toujours domiciliés à Pons ;
- 1853 : mariage de Rose GOURDON : Jean et Marguerite sont de nouveau à Tanzac ;
- 1859 : premier mariage de Philippe GOURDON : ses parents résident à Tanzac ;
- 1861 : deuxième mariage de Philippe GOURDON : ses parents résident à Tanzac ;
- 1862 : mariage de Cellestine, jumelle de Philippe et mariage de Martial : Jean et Marguerite résident à Tanzac ;
- 1865 : Jean GOURDON décède à Pons ;
- 1868 : décès d'Eugène, le plus jeune fils de feu Jean GOURDON et de Marguerite LORANCEAU
; cette dernière réside à Tanzac ;
- 1874 : troisième mariage de Philippe GOURDON : sa mère, Marguerite LORANCEAU vit à Tanzac. Le mariage a lieu en octobre et Marguerite décède en décembre (à Tanzac).
Jean GOURDON avait 74 ans au moment de son décès et Marguerite LORANSEAU 76. On pourrait comparer cet âge avancé pour l'époque à l'espérance de vie des Français qui était de 37 ans en 1810 et de 45 ans en 1900. Mais cela donne une fausse idée de l'âge que l'on pouvait atteindre : l'espérance de vie était faible en raison de la forte mortalité infantile. Pour caricaturer, si l'espérance de vie d'une population est de 30 ans, cela veut surtout dire qu'il y en un individu qui meurt à 60 ans et l'autre qui décède à la naissance : (60 +0) /2 = 30.
La mortalité infantile diminue fortement au XIXe siècle mais surtout au XXe (ce qui permet à l'espérance de vie de la population d'augmenter, non pas parce qu'on vit réellement plus longtemps mais parce qu'on meurt moins jeune).
Il vaut mieux utiliser un autre indicateur, appelé l'âge modal au décès, l'âge auquel les décès sont les plus nombreux. En gros, cela donne la durée de vie la plus commune des adultes. En France, en 1853, l'âge auquel survient le plus grand nombre de décès est de 72 ans (pour les hommes et les femmes). On peut donc en conclure que mes ancêtres Jean GOURDON et Marguerite LORANCEAU ont vécu un peu plus longtemps que les adultes de leur époque.
Source : Ouellette, Nadine, et al. « La durée de vie la plus commune des adultes au XVIIIe siècle : l'expérience des Canadiens-français », Population, vol. 67, no. 4, 2012, pp. 683-709.
J'avoue que la partie où j'aborde les descendants de mes ancêtres me fait pousser des soupirs. En effet, quand mes ancêtres ont de nombreux enfants, cela implique des recherchent importantes : des enfants, des petits-enfants à foison et à la quatrième génération descendante, des arrières petits-enfants se comptent par dizaines !
Je pourrais me limiter à mes ancêtres directs. Cependant, étant exhaustif par habitude et par choix, cela fait de longues recherches et, surtout, de longs compte-rendus sans doute guère passionnants à lire sur X qui épouse Y et qui ont 3 ou 4 enfants, etc. Je vais peut-être faire plus simple avec quelques arbres et évoquer peut-être essentiellement les individus qui se démarquent par un parcours un peu atypique.
Faisons un peu le point : Jean et Marguerite ont eu neuf enfants. Trois n'ont pas eu de descendance. Il y a d'abord la petite Marguerite, née en 1823, qui décède quelques jours avant ses quatre ans. Puis, deux garçons.
D'abord Jean GOURDON, l’ainé des enfants de la famille, qui porte le même prénom que son père (et que son arrière-grand-père). Né en 1818 à Mazerolles en Charente-Maritime, il trouve la mort à 22 ans, à Aix-en-Provence. Que faisait-il si loin de chez lui en 1840 ? Il était soldat de la 3e compagnie du 1er bataillon du 23e régiment d'infanterie de ligne. Il est mort à l'hôpital. De quoi ? Mystère. De 1836 à 1841, le 23e régiment est affecté à l'armée d'Afrique et combat en Algérie et plus particulièrement, en 1840, du Constantinois, contre Abd-el-Kader. Jean a-t-il été blessé ? Rapatrié ? A-t-il était victime d'un accident ? D'une maladie ? Difficile de le savoir.
Eugène GOURDON, dernier enfant de Jean et Marguerite, meurt également assez jeune, sans avoir de descendance. Né en 1843 à Pons, il décède à l'âge de 25 ans en 1868. Je n'ai pas trouvé de fiche matricule à son nom donc je ne sais quasiment rien de lui en dehors du fait qu'il meurt à Tanzac, célibataire et sans profession. Son père est mort trois ans avant mais sa mère est toujours vivante.
Les six autres enfants de Jean GOURDON et de Marguerite LORANCEAU se marient et on des enfants qui, à leur tour, ont des enfants, qui à leur tour... Bref, le cycle sans fin de la vie. Cycle qui ne semble pas si éternel que cela en ce début (bien entamé) du XXIe siècle. Entre le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources et surtout la connerie de mes contemporains, aussi conservateurs (voire réactionnaires) que racistes, l'avenir semble peu riant. Je suis paradoxalement enthousiasmé par la lutte féministe, le courant LGBT+ et tout ce qui peut être intégré dans le notion de "progressisme" (le mariage pour tous, le mouvement Black Lives matter, l'altermondialisme...). Mais je digresse. Revenons aux six enfants de Jean et de Marguerite qui ont une descendance.