Juillet 2021
En construction
Entre 1775 et 1790, soit une période de quinze ans, Jeanne CAMPET a eu sept enfants de son époux Étienne MORICHÈRE. Soit une naissance tous les deux ans en moyenne. Sur les quatre filles et les trois garçons, qui naissent tous à Tosse, dans ce qui était le duché de Guyenne et le Vicomté de Maremne avant de devenir le département des Landes, seules les filles survivent à l'enfance. Et sur les quatre filles du couple, je n'ai aucune information sur l'aînée des filles (et des enfants) prénommée Françoise.
Reste donc, dans l'ordre, Catherine (née en 1782), Jeanne (née en 1784) et Françoise (née en 1790). Toutes ont MORICHÈRE comme patronyme.
Je vais parler ici de Catherine.
Jeanne MORICHÈRE, qui se marie avec Pierre LARRETGÈRE à Saint-Geours-de-Maremne en 1807, est mon ancêtre directe. Elle a sa propre page.
Françoise, la cadette (à ne pas confondre avec l'aînée qui a le même prénom, mais dont j'ignore tout) aura sa page plus tard.
Petit lien pour les parents :
Arbre descendant de Catherine MORICHÈRE
C'est à Tosse, où elle a grandi, que Catherine se marie en 1797. Son époux a 20 ans au moment des noces. Il se prénomme Salvat, un prénom que l'on rencontre ponctuellement dans le Sud-Ouest au XVIIIe siècle et qui vient sans doute du latin, salvatus, "celui qui a été sauvé". Ce prénom est en totale désuétude aujourd'hui.
Sur son acte de baptême, Salvat porte le patronyme de D'ARROUSET ; à son mariage, son nom est écrit DARROZÉS. Et les variations ne cessent pas tout au long de sa vie. Il est né le 10 mai 1777 et a été baptisé le lendemain, à Soustons.
L'âge de Catherine sur l'acte de mariage est de 16 ans mais en fait, elle n'en a que 15, ce qui est très jeune et assez inhabituel. J'ai rarement vu, dans la région et à cette époque, une mariée aussi jeune.
Le couple vit dans un premier temps à Tosse, dans la maison Pouillon où ont vécu les parents de Catherine quelques années auparavant puis s'installe à Saint-Geours-de-Maremne, comme les parents de Catherine et comme sa sœur Jeanne, mon ancêtre. Dans les deux cas, le couple vit du travail de la terre, sans doute métayer et/ou ouvrier agricole (les deux n'étant pas incompatibles). On qualifie Salvat de laboureur, parfois de brassier (celui qui travaille avec ses bras). Et à Saint-Geours-de-Maremne, ils changent au moins à trois reprises de maison, preuve qu'ils ne sont pas propriétaires.
Le couple a 15 enfants entre 1798 et 1823. À la naissance de Jeanne, leur première fille, Catherine MORICHÈRE a 16 ans et Salvat en a 21.
En 1823 naissent leurs derniers enfants, des jumeaux, Étienne et Gracie, qui vivent moins d'une journée. À cette date, Catherine a désormais 41 ans et Salvat 45.
Sur les 15 enfants du couple, la plupart n'atteint pas l'âge adulte :
Pour résumer, nous avons treize accouchements et quinze enfants. Neuf ne survivent pas à l'enfance, deux décèdent en ayant dépassé 20 ans et trois vivent suffisamment longtemps pour se marier et avoir des enfants à leur tour. Enfin, je n'ai aucune trace d'une des filles du couple.
Les cinq premiers enfants naissent à Tosse. À partir de 1808, ils naissent tous à Saint-Geours-de-Maremne.
Salvat DARROUZET et son épouse Catherine MORICHÈRE semblent assez proches de mon ancêtre Pierre LARRETGÈRE qui a épousé Jeanne MORICHÈRE, sœur de Catherine. Pierre LARRETGÈRE, à douze reprises au moins, est le témoin des naissances des enfants de Salvat et de Catherine et/ou un des déclarants de leur décès. Salvat, de son côté, est un des témoins du mariage de Pierre LARRETGÈRE et Jeanne MORICHÈRE et accompagne souvent ce dernier pour déclarer naissances et décès ; un des enfants de Pierre LARRETGÈRE est même prénommé Salvat.
Extrait du recensement de Saint-Geours-de-Maremne pour l'année 1819
Source : Archives départementales des Landes
En 1819, Salvat DARROUZÈS et Catherine MORICHÈRE ont déjà eu douze enfants. Ils vivent à maison Montberset avec les parents de Catherine, Étienne MORICHÈRE et Jeanne CAMPET (on reviendra sur les différences d'orthographe des patronymes). On peut le constater, il n'y a que cinq enfants avec eux, les sept autres étant déjà décédés. Les trois derniers enfants du couple, Margueritte et les jumeaux Gracie et Étienne, ne naissent qu'en 1820 et 1823.
Salvat et Catherine sont absents du recensement de Saint-Geours-de- Maremne pour l'année 1836. Je pense qu'ils ont du déménager à Saint-Paul-lès-Dax où leur fille Jeanne décède à 23 ans. Malheureusement, les recensements ne sont pas disponibles en ligne pour cette commune des Landes pour l'année 1836.
Ce n'est pas un membre de sa famille qui déclare le décès de Jeanne ; cependant, en cherchant dans les tables décennales, j'ai pu trouver un acte de naissance de 1836 d'une petite fille, Anne DARROUZET, fille naturelle de Jeanne. Et la naissance est déclarée par Salvat DARROUZET, le père de Jeanne, preuve que la famille vivait bien à Saint-Paul-lès-Dax. Le bébé de Jeanne ne vit que trois mois et l'année suivante, c'est elle qui décède à 23 ans.
En 1839, c'est Marguerite (ou Margueritte) qui accouche d'une fille naturelle et là encore, c'est son père, Salvat DARROUZET qui déclare la naissance de la petite fille, prénommée Anne. Tout ceci se passe à Saint-Paul-lès-Dax.
En 1841, la famille DARROUZET-MORICHÈRE est visiblement de retour à Saint-Geours-de-Maremne puisqu'on la retrouve dans le recensement.
Extrait du recensement de l'année 1841 de la commune de Saint-Geours-de-Maremne.
Source : Archives départementales des Landes
Étrangement, Catherine MORICHÈRE (nommé ici MOUNECHERE) vit sans son mari, juste avec sa fille Anne. Où est Salvat ? Travaille-t-il dans une autre commune ? Peut-être est-il resté à Saint-Paul-lès-Dax... Pas de trace non plus de Marguerit(t)e.
C'est en tout cas à Saint-Geours-de-Maremne que décède Salvat en 1843.
Acte de décès de Salvat DARROUZET
Source : Archives départementales des Landes
Ses parents ne sont pas connus par les déclarants ; souvenons-nous que Salvat est né à Soustons il y a déjà bien longtemps. On lui donne l'âge de 70 ans. Il en a en fait 66.
Son épouse, Catherine MORICHÈRE (au patronyme orthographié MOUNECHERE dans l'acte ci-dessus) lui survit 11 ans. C'est à Saint-Paul-lès-Dax qu'elle décède. Vivait-elle avec un de ses enfants ? Je ne le sais pas encore, n'ayant pas fini mes recherches sur la génération suivante.
Acte de décès de Catherine MORICHÈRE
Source : Archives départementales des Landes
On lui attribue l'âge de 80 ans mais elle n'en a que 72. Là encore, la méconnaissance des âges précis tout comme l'absence de la mention des parents étaient monnaie courante, surtout si on ne décède pas dans la commune d'origine et qu'on est, comme Salvat et Catherine, illettrés.
Nous allons évoquer rapidement les modifications dans l'orthographe des patronymes, conséquence justement, de l'illettrisme du couple puisqu'aucun des deux époux ne sait signer et ne sait donc épeler son nom. Nous avons ici les écritures des rédacteurs des actes : curé avant 1792-1793 puis, après, maire ou adjoint au maire.
Regardons les actes de baptême : nous sommes en 1777 pour Salvat ; pour Catherine, j'ai triché en prenant le patronyme de l'acte de baptême de sa sœur Jeanne, celui de Catherine étant illisible (encore plus illisible devrais-je dire). C'est donc l'année 1784 et le scripteur est le même, le curé BADET. Est-ce MORICHERE ? MONICHERE ? Le doute est permis. L'écriture du curé BADET lors du baptême étant ce qu'elle est, c'est difficile d'avoir une certitude.
1797
Avec le mariage, le patronyme de Salvat évolue, passant de DARROUSET à DARROZÈS. Pour Catherine, c'est MORICHERE.
En 1798, pour leur premier enfant, pas de changement pour Catherine ; le patronyme de, lui, Salvat évolue encore avec un retour à son premier patronyme mais avec un "z" au lieu d'un "s". C'est l'orthographe qui va rester la plus courante. Cependant, notons que dans le même acte, cette orthographe varie.
1803 : acte de décès de Dominique. Salvat voit son prénom modifié en Saubat et son nom évolue encore : après DARROUSET, DARROZÈS, DARROUZET et DARROZET, on a DARROUZÈS. Toujours pas de changement pour Catherine.
Nous sommes en 1814 pour un l'acte de décès des premiers jumeaux du couple. MORICHÈRE s'est étrangement transformé en MOUNECHERE pour Catherine (qui perd aussi son prénom au passage). Pas de changement pour Salvat.
MOUNECHERE va rester dans quelques actes pour Catherine, pour sa sœur Jeanne et pour son père Étienne.
Pour leurs actes de décès respectifs, l'orthographe des patronymes respecte les versions les plus courantes de leur nom de famille.
Quinze naissances pour le couple mais onze décès précoces dont neuf pendant la petite enfance ou l'enfance. Parmi ceux qui atteignent l'âge adulte, Pierre meurt a 22 ans, n'est pas marié et n'a pas de descendance. Jeanne qui meurt à 24 ans, a eu une fille naturelle, Anne, qui n'a vécu que trois mois.
Reste quatre enfants qui se sont mariés :
Agne et son premier mari
J'ai rencontré quelquefois ce prénom, Agne, dans mes recherches généalogiques ; difficile de savoir s'il s'agit d'une variante d'Agnès (qui vient du latin agne qui signifie "pur") ou d'Anne (qui vient de l'hébreu et qui signifie "grâce"). Lors de son mariage, Agne DARROUZÉS est devenue Anne DARROSET (sans le "u") alors que son père, dans le même acte, est appelé DARROUSET.
Elle a tout juste 18 ans en 1823 quand elle épouse Pierre VERGÈS, un laboureur qui en a 30. Son époux décède deux ans après le mariage, à Saint-Geours-de-Maremne, lieu de mariage et de naissance de Pierre, dont le patronyme est orthographié VERGEZ sur l'acte de décès. Ils ont eu un enfant, une petite fille, qui a été prénommée Catherine mais qui n'a vécu que quelques jours. Ils vivaient maison Montberset. Notons que les déclarants du décès sont Étienne MORICHÈRE, arrière grand-père de l'enfant et mon ancêtre Pierre LARRETGÈRE, oncle par alliance d'Agne.
Agne et son second mari
En 1828, Agne épouse Jean HILLADE, né à Saint-Geours-de-Maremne ; il a 24 ans. Lui aussi est laboureur. Agne a 23 ans. Ils mettent un peu de temps à avoir leur premier enfant, une petite fille qui naît en 1831 maison Bourdhieu et qu'ils prénomment Margueritte. Ils ont ensuite un deuxième enfant, maison Perras, en 1834 prénommé Jean comme son père. Agne DARROUZÈS et Jean HILLADE semblent quitter Saint-Geours-de-Maremne ; ils ne figurent pas dans le recensement de 1836 de la commune, pas plus que les parents d'Agne, Salvat DARROUZES et Catherine MORICHÈRE. Tout le monde part vivre à Saint-Paul-lès-Dax.
Du moins, c'est ce que j'ai d'abord cru. En cherchant les actes concernant Marguerite HILLADE et Jean HILLADE, les enfants d'Agne j'ai trouvé l'acte de mariage de Jean (à Saint-Paul-lès-Dax) né en 1834. Et parmi les témoins, figure un Jean HILLADE, mentionné comme frère de l'époux. Je n'avais pourtant trouvé aucune naissance, pour le couple Agne DARROZÈS et Jean HILLADE, à Saint-Paul-lès-Dax pas plus qu'à Saint-Geours-de-Maremne. Cela méritait une petite enquête. L'acte de mariage datait de 1862 et ce frère, prénommé lui aussi Jean, était décrit comme habitant à Magescq. Le recensement de la commune de Magescq pour l'année 1861 étant disponible en ligne aux Archives départementales des Landes, j'ai pu le parcourir. Pas de Jean HILLADE. Mais un Jean LAHILLADE. L'âge correspondait à celui du témoin de de l'acte de mariage. Et je me suis souvenu que l'acte de décès d'Agne DARROUZET la déclare veuve d'un LAHILLADE. HILLADE, LAHILLADE, avons-nous affaire à une petite erreur de l'état civil envers des citoyens ne sachant ni lire, ni écrire ? J'ai donc cherché des naissances de LAHILLADE (grâce à l'excellent site de l'Association de généalogie du Bas Adour qui a indexé les noms des naissances, mariages et décès de toute une série de communes du Bas Adour où, par chance, se concentrent l'essentiel de mes ancêtres paternels).
Et j'ai trouvé, outre la naissance de ce Jean LAHILLADE, un autre enfant au couple. Tous deux sont nés dans la commune de Rivière (appelée aujourd'hui Rivière-Saas-et-Gourby), Jean LAHILLADE en 1839 et Salvat LAHILLADE en 1843. On apprend que leur père, Jean HILLADE ou LAHILLADE était vacher à la naissance de Jean et laboureur à celle de Salvat, (qui porte le même prénom que son grand-père maternel). Et il n'est pas impossible que je trouve d'autres naissances pour le couple. Quatre enfants, à cette époque, chez les membres de ma famille qui sont pour l'essentiel des métayers ou des ouvriers agricoles, c'est assez peu.
Revenons à Jean HILLADE (ou LAHILLADE) père et son épouse Agne DARROUZET. On les quitte en 1843 à Rivière et on les retrouve à Saint-Paul-lès-Dax en 1857, presque 15 ans plus tard. Je ne sais pas trop ce qu'ils ont fait pendant cette période. Ils ont au moins élevé leurs enfants et ils ont travaillé, sans doute durement. En tout cas, ils ne figurent pas dans le recensement de 1846 de la commune de Rivière (mais sont dans celui de 1841).
Arrêtons-nous quelques instants sur ce recensement de 1841.
Extrait du recensement de 1841 pour la commune de Rivière-Saas-et-Gourby
Source : Archives départementales des Landes
En 1841, Jean HILLADE/LAHILLADE est bien vacher comme l'indiquait l'acte de naissance de Jean (celui né en 1839). Agne, elle, est couturière. Devrait figurer sur ce recensement leurs trois enfants : Margueritte, née en 1831 (10 ans environ donc en 1841), Jean, né en 1834 (6 ou 7 ans) et Jean (2 ans). On retrouve bien deux garçons dont l'âge correspond aux enfants du couple, même si l'un porte le prénom de Dominique, ce qui, le lecteur de ce site le sait, n'est pas forcément anormal : de nombreuses personnes dans cette partie des Landes ne portent pas leur prénom d'état civil mais un autre, choisi je ne sais comment. Par contre, pas de Margueritte. Où est-elle ? Mystère... Enfin, un enfant de 14 ans est présent : Salvat VERGÈS. VERGÈS, nom du premier mari défunt d'Agne. Après une petite recherche, je constate que je suis passé complètement à côté de la naissance de cet enfant. Il est né en effet en février 1826, soit trois mois après le décès de son père, ce qui m'a conduit à ne pas faire de recherches de naissances après cette date. Ce qui est une erreur. Et cela montre qu'il est important de croiser les informations de plusieurs sources pour compléter ses données.
Notons également que la famille accueille en nourrice une enfant naturelle, Augusta LUDGEO, âgée de deux mois, sans doute confiée par l'hospice de Dax. Ce qui est confirmé par une recherche rapide dans les actes de naissances de Dax : la petite fille est née de père et mère inconnus à Dax.
Les mariages des enfants d'Agne DARROUZÈS
Rappel : les enfants d'Agne DARROUZÈS
Le premier des enfants d'Agne DARROUZÈS à se marier et l'un des deux enfants qu'elle a eu avec son premier et défunt mari, Pierre VERGÈS ou VERGEZ. Leur premier enfant, on l'a vu, une petite Catherine, meurt à l'âge de trois mois. Le deuxième se prénomme Salvat, comme son grand-père, Salvat DARROUZET. À l'âge de 28 ans (en 1853 donc), Salvat VERGEZ se marie avec une jeune fille de 20 ans, originaire de Tosse, mais qui vit avec sa mère (c'est une enfant naturelle) à Saint-Vincent-de-Tyrosse, où va se situer la noce. À ce moment là, Salvat VERGEZ vit avec sa mère à Saint-Geours-de-Maremne et il est laboureur. Nous sommes en 1854. Sa jeune épouse, Marie DUHAU est en "état de travail", c'est-à-dire qu'elle travaille sans avoir un métier précis, sans doute ouvrière agricole.
En 1857, la fille aînée de Jean HILLADE et d'Agne DARROUZÈS, Margueritte HILLADE, se marie à Saint-Paul-lès-Dax, où elle vit avec ses parents, avec un dénommé Vincent DESCASEAUX, DESCASAUX ou DISCAZAUX (l'orthographe de son patronyme varie selon les actes). Elle a 25 ans et lui 21. Il est laboureur et elle est cultivatrice. Il est né à Ossages, dans les Landes, mais, il vit désormais à Saint-Paul-lès-Dax avec ses parents cultivateurs.
L'année 1862 est celle du mariage de leur fils Jean HILLADE, celui qui est né en 1834 à Saint-Geours-de-Maremne. Dans l'acte, de mariage, père et fils ont retrouvé le nom de HILLADE et non celui de LAHILLADE, souvent utilisé. Jean HILLADE (le père) et Agne DARROUZÈS sont présents et consentants ; il est journalier, elle est "ménagère" (c'est-à-dire femme au foyer). Leur fils, le futur marié, a 27 ans et il exerce le dur métier de terrassier, sans doute en lien avec le développement du chemin de fer et peut-être aussi le domaine de la construction (gare, école, mairie...), assez actif à cette époque. La jeune épouse s'appelle Jeanne SIBÉ et elle a 25 ans ; elle aussi, est terrassière. Elle est originaire d'Habas, dans les Landes. Ses parents sont toujours vivants et son agriculteurs dans la commune de Saint-Paul-lès-Dax.
Quatrième mariage, celui de Jean LAHILLADE, qui est né à Rivière en 1839. Le mariage se déroule de nouveau à Saint-Paul-lès-Dax, toujours en présence de Jean HILLADE père et d'Agne DARROUZET. Mais cette fois, son père et son frère (témoin) sont présentés avec le patronyme de LAHILLADE, sans doute pour correspondre à l'acte de naissance de Jean. Jean est terrassier, comme son père, son frère et deux autres témoins. C'est une affaire de famille : parmi les quatre témoins, on retrouve donc Jean HILLADE, le frère, Vincent DESCASAUX, le beau-frère, Jean PEYRELONQUE, l'oncle par alliance (il a épousé la sœur d'Agne DARROUZET qui s'appelle Anne DARROUZET). Et ils sont tous terrassiers ! Seule exception, le quatrième témoin, Jean BÉNESSE, un jeune garçon de 23 ans, étudiant en médecine, ce qui est surprenant car il ne semble pas appartenir au même monde social que tous ces ouvriers. La jeune épouse s'appelle Elizabeth BILLÈRES. Elle est couturière, elle a 21 ans (24 pour son mari). Elle est la fille d'un charpentier, Jean BILLIÈRES de Saint-Paul-lès-Dax ; son épouse, Jeanne PEYRELONQUE (à priori sans lien de famille avec le témoin qui porte le même patronyme) est ménagère.
Pas de cinquième mariage. Je ne sais absolument pas ce que devient leur dernier enfant, Salvat LAHILLADE (ou HILLADE). Je n'ai trouvé aucun acte à son nom (ni mariage, ni décès). Je ne sais donc strictement rien à son propos en dehors de sa naissance en 1843. Comme il n'y a pas de recensement disponible pour Saint-Paul-lès-Dax entre 1819 et 1921, je ne peux donc pas vérifier s'il est vivant et habitant avec ses parents autour des années 1860, à la fin de son adolescence. Ma recherche dans les registres matricules n'a rien donnée. Mis en place à partir de 1857 à l'échelle nationale, ils ne sont pas disponibles en ligne à partir de cette date dans toutes les Archives départementales : pour les AD40 (Landes), ils sont disponibles de 1867 à 1921 (donc pour les garçons nés entre 1847 et 1901) et aux AD64 (Pyrénées-Atlantiques), cela ne commence qu'à la classe 1878 (pour des naissances en 1858).
La fin de vie d'Agne DARROUZÈS et de Jean HILLADE
Jean HILLADE, époux d'Agne DARROUZÈS meurt sous le nom de Pierre LAHILLADE en septembre 1871 comme l'indique l'acte ci-dessous. Ce n'est pas la seule erreur ; on le dit natif de Josse alors qu'il est né à Saint-Geours-de-Maremne. Son âge est presque le bon : on lui donne 68 ans et il en a 67. Pas de retraite pour tout le monde à cette époque : il travaillait encore comme ouvrier (sans doute terrassier). On peut d'ailleurs noter qu'une des déclarants du décès est également terrassier à 70 ans.
Acte de décès de Jean HILLADE
Source : Archives départementales des Landes
Il a été beaucoup plus difficile de trouver l'acte de décès de son épouse, Agne DARROUZÈS et je n'aurai jamais réussi sans l'indexation proposée par le site Filae. En effet, Agne ne meurt pas du tout dans son département d'origine mais dans l'Hérault. Elle décède à l'hospice de la commune de Bédarieux, qui se situe à une quarantaine de km au nord de Béziers. Elle n'était que de passage dans la ville. Elle vivait à ce moment-là à Saint-Georges-de-Luzençon comme domestique. C'est une commune de l'Aveyron ; elle se situe sur la route qui va de Béziers à Rodez.
Extrait du recensement de Saint-Georges-de-Luzençon pour l'année 1876
Source : Archives départementales de l'Aveyron
Dans cette période sans retraite pour la grande majorité des habitants, Agne (ici désignée par le prénom Anne) a besoin de travailler. Elle est domestique du rentier Charles ALRIC. Pourquoi lui ? Pourquoi aussi loin de son département d'origine ? Mystère. Que faisait-elle à Bédarieux au moment de sa mort ? Pour quelle raison était-elle en déplacement ? Difficile de le savoir. À son décès en 1878, elle a 72 ans.
Acte de décès d'Agne DARROUZET
Source : Archives départementales de l''Hérault
Comme nous l'avons vu précédemment, Salvat VERGEZ est un des deux enfants qu'à eu Agne DARROUZÈS avec son premier mari. Laboureur, il s'est marié en 1853 avec Marie DUHAU à Saint-Vincent-de-Tyrosse alors que lui habitait Saint-Geours-de-Maremne ; mais c'est à Rivière (aujourd'hui Rivière-Saas-et-Gourby) que naît leur premier enfant. Ils en ont deux autres à Saint-Geours-de-Maremne puis s'installent définitivement à Soustons où naissent leurs trois derniers enfants. Ce qui en fait six.
Salvat meurt, assez précocement, en 1878. Il a seulement 51 ans. Son épouse, qui en a 44, se remarie en 1881, à 47 ans, avec un cultivateur qui en a 60, Bernard DUFOURCQ, veuf lui aussi.
Nous avons vu que Salvat VERGEZ et Marie DUHAU ont eu six enfants :
Donc, en raison de la "disparition" d'Eugène et du décès de Jean, seules les filles de Salvat VERGEZ ont, à priori, une descendance.
Pierre BROUSTRA est né en 1859 à Soustons. Il mesure 1,60 m, il est châtain d'yeux et de cheveux, avec un nez fort et une bouche petite. Ce sont les informations données par sa fiche matricule dressée lors du conseil de révision en 1879. Il sait lire et écrire et semble avoir été un bon conscrit. De novembre 1880 à août 1884, il fait son service dans le 80e régiment d'infanterie et devient soldat 1ère classe. Il participe à deux campagnes en Tunisie entre août 1881 et avril 1883. La France a conquis la Tunisie et y a instauré un protectorat en 1881. Après sa période militaire, il reprend son activité de résinier et épouse Marie VERGEZ en 1886. Elle est bouchonnière, c'est-à-dire qu'elle fabrique des bouchons à partir du chêne-liège de la région ; le débouché, c'est évidemment la région viticole de Bordeaux. La production est artisanale jusque vers les années 1860 avant de se mécaniser et de s'industrialiser. Cependant, jusqu'en 1920, le travail manuel avec un simple tour reste important. Au début du XXe siècle, Soustons compte une vingtaine d'entreprises de fabrication de bouchons pour environ 200 ouvriers.
Au moment du mariage, Pierre BROUSTA est donc résinier mais devient ensuite limeur. Marie VERGEZ et lui ont deux enfants : Jean-Baptiste en 1888 et Marie en 1894.
Le jeune Jean-Baptiste BROUSTA, qui exerce le métier de chauffeur, fait son service militaire de 1909 à 1911. Rappelé dans l'armée en 1914, il participe à la Grande Guerre dans l'infanterie. Il est nommé caporal en janvier 1918. Il est tué en Belgique le 3 mai 1918. Il avait 29 ans.
Marie BROUSTA épouse en 1919 Jean LAUSSUCQ, de Soustons comme elle. Charron et forgeron, d'assez grande taille pour l'époque (1,73 m), il a lui aussi participé à la Grande Guerre mais détaché dans une manufacture d'armes et de cycles, puis à l'usine Michelin de Clermont-Ferrand. Ils ont sans doute des enfants mais l'état civil de Soustons n'est pas encore en ligne pour les années postérieures à 1910.
MAJ : une petite mise à jour s'impose car depuis que j'ai écrit ces lignes, les Archives départementales des Landes ont mis en ligne de nouvelles années de l'état civil. Ainsi, ayant accès à l'acte de mariage de Marie BROUSTA, nous pouvons noter qu'elle était lingère en 1919 et que ses deux parents étaient présents et consentants, contrairement à ceux de son époux, tous les deux décédés. Seule Marie VERGEZ ne signe pas l'acte de mariage.
Marie BROUSTA et Jean LAUSSUCQ ont une petite Alphonsine Marie le 8 février 1920 (qui décède en 1975 d'après les mentions marginales qui ne fait pas état d'un mariage).
Un an plus tard, c'est un garçon, Pierre Auguste, qui nait comme sa sœur à Soustons, le 26 avril 1921. Pas de mention d'un décès dans l'acte de naissance mais un mariage le 7 novembre 1946 avec une Madeleine NARVAILLÈS.
Marie VERGEZ décède en 1951 à Soustons.
Catherine VERGEZ, née en 1861, se marie en 1890 avec Pierre MOREAU, un chiffonnier originaire de Soustons comme elle. Il est un peu plus jeune qu'elle (de trois ans). À 20 ans, il n'est pas chiffonnier mais charpentier. Son père, Dominique MOREAU, travaillait aussi dans les métiers du bois, comme scieur de long. Il mesure 1,66 m, a les cheveux et les yeux noirs. Il a un niveau d'instruction correct avec une note de trois sur une échelle allant de 0 à 5 d'après sa fiche matricule. Il fait son service dans le Génie pour un courte période : un an. Une fois réserviste, il est réformé en 1891 pour rhumatisme chronique. Est-ce la raison de son changement de métier ? Être chiffonnier n'est pas une activité très prestigieuse. Vivant des déchets qu'ils collectent et trient chez eux, les chiffonniers n'ont pas bonne presse auprès de la population. Je renvoie le lecteur curieux sur un article très intéressant sur la condition de chiffonniers au XIXe siècle (l'exemple est celui des chiffonniers bordelais mais le propos reste pertinent pour d'autres lieux) : Gonzalez-Lafaysse, Linda. « Les chiffonniers bordelais à la fin du xixe siècle. Entre professionnalisation et stigmatisation », Ethnologie française, vol. vol. 40, no. 3, 2010, pp. 521-530.
Catherine VERGEZ et Pierre MOREAU habitent le quartier Sterling à Soustons. Il ne faut pas se méprendre sur ce nom qui, malgré les sonorités, n'a rien d'anglo-saxon. En fait, c'est le quartier Esterlin mais lors de la mise en place des plans cadastraux de Soustons en 1833, le géographe, qui n'était pas de la région, a orthographié ce lieu-dit "Sterling" et non pas "Esterlin". Comme plusieurs géomètres ont travaillé sur le cadastre de Soustons, je ne peux pas livrer le responsable à la vindicte publique ! C'est dans le "quartier" Sterling (organisé autour de la place Sterling mais qui est plutôt une zone du Bourg, c'est-à-dire le centre de la commune autour de l'église, la mairie et des commerces principaux) que Catherine VERGEZ et Pierre MOREAU ont leur cinq enfants :
On observe l'amélioration des conditions de vie avec la chute de la mortalité infantile. Les parents de Catherine VERGEZ (Salvat VERGEZ et Marie DUHAU) avaient perdu au moins deux de leurs six enfants. Sa grand-mère, Agne DARROUZÈS n'a qu'un enfant mort en bas âge, le premier, sur six. Son arrière grand-mère, Catherine MORICHÈRE, en avait perdu neuf sur quinze pendant l'enfance. Moins d'enfants donc, mais qui sont moins touchés par la mortalité précoce.
Cependant, ces enfants se retrouvent orphelins : Pierre MOREAU meurt en 1907 à l'âge de 43 ans et Catherine décède deux ans plus tard, en 1909 ; elle avait 47 ans. Qui s'occupe des enfants, âgés de 18 ans pour l'ainé, André Dominique et de 4 ans pour le plus jeune, Emmanuel Antoine, au moment du décès de leur mère ? Aucune idée. J'aurai pu essayer de trouver une réponse si j'avais pu consulter les recensements de la commune de Soustons, en espérant que les enfants y soient restés. Mais il n'y a pas de recensement disponible en ligne entre 1819 et 1921 aux Archives départementales des Landes.
Voyons ce que deviennent les enfants de Catherine VERGEZ et Pierre MOREAU.
Il a 20 ans quand il passe devant le conseil de révision ; il est sans doute boulanger ou, au moins, il l'a été. sa description ressemble à celle de son père, un jeune homme d'1,62 m, noirs d'yeux et de cheveux au degré d'instruction évalué à 3. Affecté au 34e régiment d'infanterie, il est réformé en juin 1914 et classé en service auxiliaire pour "perte d'un grand nombre de dents". Ce jugement est confirmé en novembre 1914 et on y ajoute une varicocèle (affection que je ne connaissais pas mais qui n'est guère engageante : c'est un dilatation des veines situées au dessus du cordon spermatique et qui entraîne une augmentation du volume du testicule...). Mais la guerre, qui vient débuter, a besoin d'hommes : André Dominique est finalement déclaré apte au service armé en février 1915. Il combat dans l'infanterie jusqu'en octobre 1918 ; à ce moment là, blessé, il est évacué. Courageux et énergique, d'après sa fiche matricule, il obtient la médaille militaire, la croix de guerre et, plus tard, la légion d'honneur.
Extrait de la fiche matricule d'André Dominique MOREAU
Source : Archives départementales des Landes
Cependant, ses blessures sont graves et lourdes de conséquences : brèche osseuse complète du crâne dans la région temporale droite, hémiplégie partielle du côté gauche, épilepsies, convulsions... Il obtient une pension permanente par la commission de réforme de Bordeaux.
André Dominique se marie à Bordeaux en 1921 avec une dénommée Jeanne FRONSACQ, fille d'un tonnelier et d'une institutrice, née en 1889 à Labouheyre. Jeanne FRONSACQ est également institutrice. C'est également à Labouheyre qu'André Dominique décède en 1958 à l'âge de 67 ans. Son épouse meurt bien plus tard, en 1970, à Bordeaux et à l'âge de 81 ans.
Orpheline de père à 15 ans et de mère à 16, je ne retrouve la trace de Jeanne Augusta qu'au moment de son mariage à Bordeaux en 1919. Elle habite cependant à Vieux-Boucau dont est originaire son mari, Étienne LESCA, employé des postes ; il vit à Bordeaux au 50 cours d'Albret et les témoins sont visiblement tous des voisins habitant, pour trois d'entre-eux, le même immeuble. Il y a deux étudiants en médecine et un ébéniste. Je ne sais rien d'autre sur Jeanne Augusta et son mari. Je n'ai pas trouvé de fiche matricule à son nom aux Archives départementales des Landes, de Gironde, des Pyrénées-Atlantiques. Je ne sais pas s'ils ont eu des enfants et je ne connais pas la date de leur décès.
Comme sa sœur Jeanne Augusta, Marie MOREAU doit vivre à Vieux-Boucau. En tout cas, c'est là qu'elle se marie avec Cyprien FRÊCHES en 1914. Elle a 20 ans. Il est plus âgé qu'elle ; il est né en 1872 à Magescq et, il a donc 19 ans de plus que Marie. Sur son acte de naissance, il s'appelle Cyprien FAVORIN ; c'est un enfant naturel. Il est reconnu par son père, Arnaud FRÈCHES, ainsi que ses cinq frères et sœurs au moment du mariage d'Arnaud et de Marie FAVORIN.
Cyprien est menuisier. Il mesure 1,72 m ce qui, en 1892, est plus grand que la moyenne. Il fait son service militaire dans l'artillerie comme canonnier. Rappelé à l'activité en 1915, il est réformé temporairement puis définitivement pour bronchite chronique et mauvais état général. Après la guerre, il touche une pension pour "bronchite bacillaire des sommets et séquelles de pleurésie droite".
Marie MOREAU dite Rose et son époux ont sept enfants dont l'ainée, Cyprienne Rose, est née en 1912, c'est-à-dire avant le mariage, à Bordeaux. Naissent ensuite Jeanne Marie (1914), Jean (1920), Louise Ida dite Charlotte (1921), Jacqueline (1926), Guy Christian Joseph (1930) et Bernard Maxime (1931).
Extrait du recensement de la commune de Vieux-Boucau en 1921
Source : Archives départementales des Landes
Marie "Rose" MOREAU épouse FRÈCHES est bouchère. Et elle est sa propre patronne. Dans le recensement de 1926, Cyprien est également désigné comme boucher. Il meurt à l'âge de 72 ans à Vieux-Boucau en 1944. Marie meurt également à Vieux-Boucau, le 13 mai 1962 ; elle avait 67 ans.
Jean Dominique a 10 ans au décès de son père et 11 à celui de sa mère. Je ne sais pas qui s'occupe de lui jusqu'à ce qu'il soit en âge de passer devant le conseil de révision à 20 ans. Comme son frère André Dominique, il est boulanger. Il mesure 1,66 m et ses cheveux sont châtains, comme ses yeux. Comme son frère toujours, il fait partie de la génération des Français devant participer à la Grande Guerre. Mais là s'arrête la ressemblance. Si les blessures et les médailles ont caractérisé le passage d'André dans la guerre, Jean Dominique n'y trouve que la prison et la mort.
Abandon de poste, ivresse et dissipation de munitions, ce sont des fautes lourdes en période de guerre : deux ans et demi de prison. Peine qu'il ne fait pas. Condamné en février 1918, il décède de maladie à l'hôpital d'Albertville. Mort pendant la guerre, il n'est cependant pas considéré comme étant mort pour la France...
Extraits de la fiche matricule de Jean Dominique MOREAU
Source : Archives départementales des Landes
C'est le grand mystère. Je n'ai strictement aucune information sur lui. Son acte de naissance ne comporte aucune mention marginale à propos d'un mariage ou du décès et mes recherches via Geneanet ou Filae n'ont rien donné.
Marie VERGEZ, dernière fille de Salvat VERGEZ et Marie DUHAU, née en 1871, épouse un homme de 30 ans en 1893. Elle en a 21. Tous les deux sont bouchonnier·e·s.
On dit souvent de quelqu'un qu'il était un "mauvais sujet" quand il se conduit mal. Marie VERGEZ a épousé en Joseph BENOIT un bien mauvais sujet. On s'en rend compte en consultant sa fiche matricule qui contient plus de condamnations que de faits d'armes !
Joseph BENOIT est né à Castets dans les Landes. À 20 ans, il est domestique à Bordeaux. Sa mère est veuve, il est donc dispensé de service militaire. Cependant, il doit faire des périodes d'exercices comme réserviste. Il ne se rend cependant pas à l'appel pour sa première période en 1889, ce qui lui vaut une punition disciplinaire. mais c'est le moindre de ses méfaits.
Voyons plutôt...
Extrait de la fiche matricule de Joseph BENOIT
Source : Archives départementales des Landes
Les condamnations datent d'avant son mariage :
- en 1885, un an de prison pour vol ;
- en 1887, dix jours pour outrages et deux mois pour vol ;
- en 1886, six mois pour vagabondage et outrages aux agents ;
- en 1887, deux mois pour "grivèlerie" (c'est-à-dire que l'on consomme sans payer) ;
- enfin, en 1888, deux ans pour outrages aux membres du tribunal qui le juge pour pour filouterie d'aliments (délit qui lui vaut quatre mois de prison en plus des deux ans pour outrages).
Bref, entre 1885 et 1888, il écope, si on cumule les peines, de quatre ans, deux mois et dix jours de prison...
Se calme-t-il après son mariage en 1893 ?
Au moment du mariage, Joseph BENOIT vit à Soustons où il exerce le métier de bouchonnier. Marie VERGEZ est également bouchonnière et on peut supposer que c'est peut-être sur leur lieu de travail qu'ils se sont rencontrés. Nous sommes en 1893. Cela fait trois ans que Joseph BENOIT n'a pas eu de soucis avec la justice. Peut-être l'âge l'a-t-il rendu raisonnable ? Il avait 23 ans pour sa première condamnation, 26 pour celles qui lui ont valu deux ans et quatre mois de prison. Le mariage est célébré en présence de la mère de Joseph BENOIT, Jacquette CHIBRAC, veuve de Maurice BENOIT, décédé en 1882 à Bordeaux ; situation identique pour Marie dont le père, Salvat VERGEZ est mort depuis quelques temps. Mais sa mère est présente. Au moment du mariage, Joseph BENOIT reconnaît et légitime la fille de Marie VERGEZ qui s'appelle Marie VERGEZ (comme sa mère donc). Elle est née en 1888 à Soustons de père inconnu. Il est peu probable que Joseph BENOIT soit le père de l'enfant. Elle est née en octobre et donc a du être conçue en janvier 1888. Joseph BENOIT vivait entre Bordeaux et Agen à cette période. Mais peu importe, l'enfant que Marie VERGEZ a eu à 17 ans a désormais un père légitime. En 1894, un peu plus d'un an après le mariage, Marie VERGEZ a un deuxième enfant, cette fois de son époux, un petit garçon prénommé Pierre Maurice.
Cependant, Joseph BENOIT est vite repris par ses démons. Mais cette fois, l'affaire est plus grave. Revenons à sa fiche matricule.
Le hasard nous permet d'en savoir plus sur cette affaire. Vincent BROUSSE, historien et Philippe BERTHELOT, ancien journaliste, ont rédigé un ouvrage intitulé Les Grandes Affaires criminelles des Landes. Dans un des chapitres, l'affaire de Joseph BENOIT est évoquée. Le livre est éditée par De Borée et a été publié en 2011. Mais pour être totalement honnête, le chapitre écrit dans le livre doit quand même beaucoup à l'article paru dans Le Journal des Landes n°126, du dimanche 4 novembre 1894 relatant le procès. Nous avons une description physique de Joseph BENOIT, ce qui n'était pas le cas, étrangement, dans sa fiche matricule : "l'accusé fut introduit dans le box, encadré par deux gendarmes. De taille moyenne, les cheveux et les sourcils châtains, la bouche petite et serrée, cachée sous une moustache blonde, le teint pâle et une fossette au menton, Joseph BENOIT avait l'air beaucoup plus jeune que son âge. À trente et un an à l'état civil, il en paraissait à peine vingt-cinq tant il était malingre." D'autres informations nous sont déjà connues : il était bouchonnier, marié et père de deux enfants. Le procès se déroule à Mont-de-Marsan, siège de la cour d'assises des Landes les 1 et 2 novembre 1894. Les faits se sont déroulés le dimanche 12 août dans la soirée. Que s'est-il passé ce soir là ? Le lieu : l'auberge CAMICAS, du nom du propriétaire du lieu. Il est 21h et l'auberge est pleine de jeunes hommes qui ont, pour certains, joué une partie de quilles. Les faits : la victime est un tuilier ; il se nomme Bertrand DUSSAUBAT et est âgé de 23 ans. Lui et Joseph BENOIT se connaissent, puisqu'ils vivent dans le même quartier de Soustons. Il est d'un caractère enjoué et semble apprécier de taquiner ses amis, ce qu'il faisait ce soir là. Il lançait, dans l'auberge, des plaisanteries à un ami qui en riait de bon cœur. Joseph BENOIT, présent sur les lieux, sans appartenir au groupe d'amis, intervient en disant : "Ce n'est pas à moi que tu parlerais ainsi, sans quoi je te donnerais un soufflet". DUSSAUBAT répliqua : "Je ne te parle pas, cela ne te regarde pas. Laisse-moi tranquille !" Mais Joseph BENOIT, visiblement d'humeur querelleuse, se lève et ils en viennent aux mains. On les sépare difficilement et l'aubergiste CAMICAS, les mets dehors. Les témoins, au nombre de dix, d'un côté, et Joseph BENOIT, un peu seul à la barre de l'autre au moment du procès, donnent des versions différentes. Tous s'accordent à dire que c'est Joseph BENOIT qui cherche querelle, bien que ce dernier déclare avoir d'abord été menacé par DUSSAUBAT. Une fois dehors, les versions divergent également. Joseph déclare que Bertrand DUSSAUBAT l'a frappé d'un coup sur l'œil qui le met à terre et qu'il continue ensuite à le frapper une fois au sol. Il sort donc son couteau et le frappe à l'abdomen, arguant du fait que son adversaire était : "beaucoup plus vigoureux" que lui. Un dénommé POUSSEIGNE est le seul témoin des événements hors de l'auberge. Il déclare que Joseph BENOIT tenait son adversaire par le cou debout contre la porte, a sorti son couteau et l'a frappé. Qui a dit vrai ? Il semble évident qu'à l'intérieur de l'auberge, c'est Joseph BENOIT qui provoque l'altercation. Une fois dehors, avec un seul témoin, c'est plus délicat. Tout le monde semblait apprécier DUSSAUBAT, ce qui n'était pas le cas de Joseph BENOIT. Cela peut fausser un témoignage. Cependant, la réaction de Joseph BENOIT est disproportionnée. Certes, le médecin légiste en témoigne, il a reçu un coup violent qui lui a éclaté l'arcade sourcilière. Mais son unique coup de couteau a eu des conséquences fatales en sectionnant l'artère iliaque. De plus, son passé ne plaide pas en sa faveur. Le substitut du procureur, DESTOUET, rappelle que sur les dix dernières années, Joseph BENOIT en a passé plus que de quatre en prison : vol au Grand Théâtre de Bordeaux, grivèlerie, vagabondage, outrages à agent de la force publique, outrage à magistrats, qualifiés de "buveurs de sang"... Joseph précise que ce sont des erreurs de jeunesse, qu'il a purgé sa peine et refait sa vie. Son avocat souligne qu'il a, depuis trois ans qu'il est à Soustons, une conduite "exemplaire". Il demande donc des circonstances atténuantes pour Joseph. Au final, le jury déclare Joseph BENOIT coupable mais avec circonstances atténuantes ; il écope de quatre ans de prison.
Les articles de presse sur l'affaire
Le journal des Landes n°94 du 19 août 1894
Le journal des Landes n°126 du 4 novembre 1894
Source : Archives départementales des Landes
Le journal des Landes n°94 du 19 août 1894
Le journal des Landes n°126 du 4 novembre 1894
Les deux articles de presse sur l'affaire :
Source : Archives départementales des Landes
Que devient le couple après ? Je ne sais pas trop. Joseph BENOIT a encore des soucis avec la justice. Il est condamné en 1899 pour vagabondage à 20 jours de prison par le tribunal correctionnel de Béziers. Sa famille semble pourtant être restée dans les Landes puisque sa fille, Marie, épouse à Soustons en 1911 Pierre DESBIEYS ; son fils Pierre Maurice BENOIT se marie dans la même commune en 1923 avec Nathalie LESBATS.
MAJ : grâce à la mise en ligne de nouveaux actes et ayant pu accéder aux actes de mariages de Marie BENOIT et de Pierre BENOIT, j'ai pu apprendre que Joseph BENOIT vit à Bordeaux, comme cordonnier et bouchonnier, visiblement séparé de sa femme. Il donne son consentement mais sans assister à la cérémonie.
Notons que Pierre Maurice BENOIT, d'après sa fiche matricule, ne semble pas avoir d'ennui à la justice et ne reproduit pas le parcours paternel : à 20 ans, il est bouchonnier, comme ses parents. Il mesure 1,60 m et possède des cheveux et des yeux châtain foncé. En 1914, au moment de son service et au début de la Grande Guerre, il est ajourné pour "faiblesses". Il est maintenu réformé en 1915 et 1916. Mais en 1917, on le déclare bon pour le service auxiliaire. Il est affecté à l'escadron du train. En 1927, il est encore classé en service auxiliaire (en tant que réserviste) en raison des séquelles d'une fracture du tibia et du péroné gauche qui gêne la marche.
Comme on le voit sur l'extrait du recensement de la commune de Soustons pour l'année 1926, Marie VERGEZ épouse BENOIT vit sans son mari mais n'est pas déclarée divorcée. Elle partage son domicile avec son fils, sa belle fille et son petit-fils.
Source : Archives départementales des Landes
Après le décès de son premier époux, Agne DARROUZÈS épouse Jean HILLADE avec lequel elle a quatre enfants. Le premier de ces quatre enfants est Margueritte. Margueritte suit sa famille dans ses déplacements. C'est à 25 ans qu'elle épouse, à Saint-Paul-lès-Dax où se sont fixés ses parents, un jeune homme de 21 ans, Vincent DESCASEAUX (ou DISCAZAUX, selon les actes), originaire d'Ossages, petite commune au Sud-Est de Dax, à la limite du département des Pyrénées-Atlantiques. Margueritte est cultivatrice et lui laboureur. Nous sommes en 1857. Jusqu'en 1861, Vincent travaille dans l'agriculture, comme journalier. À partir de 1862, il devient ouvrier terrassier. Entre 1857 et 1868, le couple a six enfants, mais la plupart ne survit pas :
Six enfants donc, quatre décès pendant l'enfance ou la petite enfance, une fille dont je perds la trace et une qui vit et se marie.
Margueritte HILLADE est encore jeune quand elle décède en 1870 : 38 ans. Son époux, Vincent DESCAZAUX, se remarie un peu plus d'un an après. Il a 35 ans. sa deuxième épouse, Marie GUILLÈ, âgée de 29 ans, est couturière.
Je n'ai pas d'information particulière sur l'enfance de Marie DISCAZAUX à Saint-Paul-lès-Dax. Elle a 9 ans quand sa mère décède et 10 quand son père se remarie. Elle ne se souvient sans doute pas du du décès de sa sœur Clémentine en 1863, mais c'était une enfant de presque une dizaine d'années quand meurent successivement sa sœur Valérine et ses deux frères prénommés tous les deux Jean.
Elle a 25 ans en 1886. Elle est ouvrière et vit désormais à Bègles, en Gironde, dans la périphérie de Bordeaux. Elle épouse un ouvrier, Jean TAUZIA, lui aussi né à Saint-Paul-lès-Dax et vivant également à Bègles. Le mariage se déroule à Saint-Paul-lès-Dax en présence de la mère du marié, veuve (qui vit à Bègles), et du père de la mariée, veuf, qui vit à Saint-Paul-lès-Dax. Sans doute la plupart de leurs proches résident à Saint-Paul-lès-Dax.
Grâce à sa fiche matricule, nous apprenons que Jean TAUZIA était un jeune homme d'1,64 m, aux yeux châtains et aux cheveux noirs, sans autres signes caractéristiques. Il est dispensé de service comme aîné de veuve. C'est apparemment en 1884 qu'il quitte les Landes pour s'installer à Bègles. Il est né en 1858 et il a 28 ans au moment de son mariage. Notons qu'il ne sait pas écrire, pas plus que son épouse. Il travaille à la Compagnie de chemin de fer du Midi.
Le couple a, d'après mes recherches, quatre enfants, deux garçons et deux filles. Tous naissent à Bègles :
Sur les deux enfants survivants, je n'ai pas d'information concernant l'aînée, Elisabeth. Son acte de naissance ne comporte aucune mention marginale et je n'ai rien trouvé dans mes recherches assez rapide. Pour les parents, on sait qu'ils sont vivants en 1909, au moment où leur fils Paul Jean passe devant le conseil de révision ; ils habitent Bordeaux, au 254 de la rue de Bègles. Ils ont donc, à cette date, 51 ans pour lui et 48 ans pour elle.
En 1905, il est condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour vol. Cependant, il bénéficie d'un sursis. Il n'a que 16 ans. Trois ans plus, en 1908 donc, il n'échappe pas à 15 jours de prison pour coups. Nous sommes le 16 janvier. En septembre de la même année, c'est une amende pour une infraction à la police des chemins de fer. L'amende est de 25 francs. Et enfin, en novembre, c'est plus grave : trois ans de prison pour vol qualifié et complicité.
Examinons l'affaire avec l' article de La Petite Gironde daté du 26 novembre 1908.
La Petite Gironde du 26 novembre 1908
Source : RetroNews (le site de presse de la BNF)
Pour résumer, Paul TAUZIA, serrurier, habitant chez ses parents à Bordeaux, rue de Bègles, a comme complices, un garçon boucher de 19 ans et un coupeur de chaussures de 23. Ensemble, ils fracturaient les wagons des trains de marchandises, jetaient sur la voie des ballots contenant des produits (chocolat, café, tissu, champagne...) qu'une dénommée Mme ROUSSEAU, courtière en bestiaux, écoulait. Notons que tous sont de Bègles (Paul TAUZIA ayant longtemps habité Bègles). Une dénonciation leur fut fatale. Précisions encore que deux des trois jeunes malfaiteurs étaient les amants des filles de Mme ROUSSEAU. Paul TAUZIA n'a pas participé à tous les vols, à la suite de blessures reçues lors d'une rixe...
Le verdict : 3 ans de prison.
La Petite Gironde du 26 novembre 1908
Source : RetroNews (le site de presse de la BNF)
La condamnation ne lui permet pas d'échapper à l'armée. En 1910, il doit partir en octobre dans le 5e bataillon d'infanterie légère d'Afrique, dit également le 5e BILA. Cependant, il est signalé à la maison d'arrêt de Sarlat, où il est en détention en décembre 1910... C'est donc sous escorte qu'il part en Afrique en juin 1911. D'après mes renseignements, le 5e BILA a été créé en 1889 pour incorporer des jeunes conscrits ayant un casier. De plus, il est exclu colonial, c'est-à-dire qu'il ne peut pas porter les armes.
En 1914, il est mobilisé et passe par plusieurs bataillons d'Afrique avant de combattre en France. Il n'est pas un mauvais soldat. Il passe caporal en juin 1918. Deux mois plus tard, il est blessé.
Extrait de la fiche matricule de Paul Jean TAUZIA
Source : Archives départementales de Gironde
Il bénéficie de la loi d'amnistie du 24 octobre 1920 pour les faits commis antérieurement au 11 novembre 1920 et qui concerne, entre autre, les militaires ayant appartenu au moins trois mois à des unités combattantes. On peut retrouver la loi complète ici.
Paul Jean TAUZIA va-t-il désormais une vie honnête ? Hélas non. Peu de temps après, le 4 juin 1921, il est condamné à 15 ans de travaux forcés et 20 ans d'interdiction de séjour. Direction : un bagne de Guyane. Qu'a-t-il fait pour mériter une telle sanction ? Avant de détailler son affaire, parlons un peu des travaux forcés et des bagnes français, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.
C'est la loi de 1854
à suivre...